Une semaine après l'anniversaire de la mort de Louis XVI, nous revenons avec un historien sur les relations entre Révolution et clergé et surtout sur l'articulation du religieux et du politique dans le contexte mémoriel actuel.
Que signifie prier Louis XVI ? Le clergé était-il favorable à l’exécution du Roi ? Le peuple catholique de l’Ancien Régime existait-il ?
Autant de questions auxquelles Paul CHOPELIN, Maître de Conférences à l'Université Lyon III et membre du laboratoire de recherches historiques Rhône-Alpes et spécialiste de la Révolution française a bien voulu répondre.
L’exécution de Louis XVI, le 21 janvier 1793, a été décidée par la Convention pour consacrer la légitimité du régime républicain et marquer un point de non-retour. Pour les royalistes, il est un martyr, dont le testament sert de manifeste politique au service du projet de restauration.
L’historien explique que ses défenseurs ont tenté à plusieurs reprises d’obtenir sa béatification, voire sa canonisation, pour en faire, après Saint Louis, un nouveau saint roi.
Bien qu’il ait dénoncé le régicide de 1793 comme un crime contre Dieu, le pape Pie VI refuse de reconnaître la mort de Louis XVI « en haine de la foi » et, par conséquent, de le béatifier comme martyr.
Pour Rome, le roi de France a été exécuté pour des motifs politiques et non religieux.
Sollicité à son tour en 1820, Pie VII confirme l’impossibilité canonique de reconnaître le martyre de Louis XVI. Depuis, jusqu’à nos jours, des cercles royalistes s’efforcent de trouver un moyen d’ouvrir, malgré tout, ce procès de béatification. Aucune de ces tentatives n’a été pour le moment couronnée de succès.
En 1793, la mort de Louis XVI n’a pas provoqué de grande mobilisation chez les catholiques français. Ceux-ci sont alors profondément divisés. Le vote, le 12 juillet 1790, d’une grande réforme de l’Église de France, la Constitution civile du clergé, a provoqué un schisme. Les partisans de la réforme on rejoint une Église d’État, l’Église constitutionnelle, dont le clergé est salarié par la nation. Leurs adversaires, qui refusent le serment prescrit par la loi, forment une Église privée, financée par les dons des fidèles : l’Église réfractaire.
Très vite, dès l’été 1791, cette Église réfractaire est persécutée : intimidations, violences physiques et arrestations arbitraires rythment la vie de ces prêtres et de ces fidèles qui se réfugient dans la dévotion sacrificielle au Sacré Cœur. Pour les révolutionnaires, cette résistance est suspecte. L'Eglise réfractaire est assimilée à un foyer de conspirateurs. Cette hantise du complot connaît son paroxysme en 1792-1794, dans le contexte de la guerre contre les puissances coalisée, conduisant aux massacres de septembre 1792 à Paris et dans plusieurs villes de provinces, puis à l’impitoyable répression du soulèvement de la Vendée militaire en 1793-1794.
Si certains catholiques réfractaires associent la mort du roi à leurs propres souffrances, cette position ne fait pas l’unanimité.
Beaucoup d’évêques réfractaires se méfient des Bourbons et de leur capacité à restaurer la royauté en France. Certains ne pardonnent pas à Louis XVI d’avoir laissé promulguer la Constitution civile du clergé en 1790. Ces évêques se tiennent dans une prudente expectative, préférant défendre exclusivement les intérêts de l’Église.
Même division du côté de l’Église constitutionnelle, entre ceux qui, comme Henri Grégoire, l’évêque de Blois, député à la Convention, légitiment la mort du roi comme un sacrifice nécessaire à la consolidation de la république et ceux qui condamnent une mort inutile, aliment de la guerre civile.
Ces divisions reflètent l’ambivalence de la figure du roi chez les catholiques français depuis les débuts de la Révolution. Les milieux intransigeants lui reprochent d’avoir « abandonné » l’Église en accordant une reconnaissance civile aux protestants (1787) et en ouvrant la porte à un régime des cultes sans religion d’État. Les âpres débats qui agitent le clergé au moment de la rédaction des cahiers de doléances au début de l’année 1789 reflètent ces divisions entre réformateurs et intransigeants. Après 1789, la faillite politique personnelle de Louis XVI, roi secret et louvoyant, a aussi contribué à fragiliser sa cause auprès d’une partie des catholiques. Sa mort, dont l’interprétation reste disputée jusqu’à nos jours, n’a pas permis de refonder l’union du Trône et l’Autel.
Ecrans et toiles – émission animée par Christophe Mory dédiée au film Le Déluge
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