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De la parole aux actes : l'Eglise s'engage
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De la parole aux actes : l'Eglise s'engage

Par Marie Chaslin-Folio

Les accusations contre l’Abbé Pierre semblent ne jamais tarir. De nouveaux témoignages d’attouchements, d’agressions sexuelles et de viol ont émergé début janvier contre l’homme d’Église et fondateur du mouvement Emmaüs. Des faits qui s’inscrivent dans la continuité de récits similaires. Face à la crise, la Conférence des Évêques de France (CEF) joue la carte de la bonne volonté. Fin 2024, Monseigneur Éric de Moulins-Beaufort avait annoncé ouvrir les archives de la CEF. A la suite des nouvelles accusations portées contre l’Abbé Pierre, la CEF fait savoir par des communiqués de presse son soutien indéfectible aux victimes. Un soutien qui n'éclipse pas « la duplicité de l’Église au sujet des problèmes de comportement d’ Henry Grouès, dont elle avait bien connaissance » déplore Yolande Du Fayet de la Tour, présidente de l’association De la parole aux Actes.

 

La Conférence des évêques de France "à proximité” des victimes…

 

La CEF (Conférence des Evêques de France) avait réagi rapidement après les premières accusations à l’encontre de l’Abbé Pierre. Sur RCF-Radio Notre-Dame, Monseigneur de Moulins-Beaufort avait annoncé ouvrir immédiatement et exceptionnellement les archives de l’Institution pour faire lumière au plus vite sur ces crimes. Après examen des documents qui reposent dans les archives des évêques français, il était clairement ressorti que ce derniers avaient connaissance des actes de l’Abbé Pierre et qu’il avait été décidé d’étouffer l’affaire. Dès lors, comment communiquer quand une deuxième salve d’accusations contre l’Abbé Pierre est parue dans une enquête menée par le cabinet Egaé de Caroline de Haas ? Le cabinet privé a recueilli, dans une enquête menée sur plusieurs mois, neuf nouveaux témoignages. Dans un communiqué de presse, la CEF assure les victimes de “sa proximité” et rappelle l’existence de plusieurs cellules d’écoute. Dans cette première publication, les représentants de l’institution assurent aussi que « les évêques se tiennent à disposition de la justice “ le cas échéant ” ».

 

C’est la CEF qui saisira elle-même la justice, 4 jours plus tard : dans les médias, le président de la CEF, Mgr de Moulins-Beaufort annonce qu’il “appelle la Justice à ouvrir une enquête”. Le motif communiqué au Procureur de la République tente de faire lumière sur les responsables derrière la dissimulation des actes : “signalement auprès du Procureur de la République de Paris pour non-dénonciation de viols et d'agressions sexuelles sur personnes vulnérables et mineurs”. Bien que la plupart des protagonistes soient sûrement décédés, la CEF veut trouver les responsables, après des années de silence. 

 

…une “proximité” qui existait aussi entre la CEF et l’Abbé Pierre ?

 

Pour autant, il en faut plus pour que la CEF redore son blason et en particulier auprès des victimes de l’Abbé Pierre. Yolande du Fayet de la Tour, interrogée pour son rôle dans la reconnaissance des crimes commis par l’Eglise, estime que la CEF se lave discrètement les mains de l’affaire. “La première chose qui m’apparaît est la déresponsabilisation. La CEF est totalement responsable de ce qui s’est passé”. L'affaire dite de l'abbé Pierre est placée sous la responsabilité de l'évêque de Grenoble et sous la responsabilité de la CEF parce que celle-ci est une instance collégiale et que l'Eglise se veut synodale (appel du pape François).  Yolande du Fayet de la Tour dénonce un système dysfonctionnel qui essaie de se sauver comme il peut. “Un pervers qui ne rencontre pas d’obstacle reste un pervers” fait savoir la présidente d’association de victimes de l’Eglise.

           

La CEF essaie-t-elle de “liquider l’héritage de l'Abbé Pierre” comme l’affirme Yolande du Fayet de la Tour ? Nulle part dans les communiqués il n’est rappelé que l’Abbé dépendait de la CEF. Une absence qui fait dire à l’ancienne victime d’un prêtre que la CEF “nie ses responsabilités”. Des accusations similaires ont été formulées contre le Vatican après que le Pape ait avoué que le Saint-Siège avait aussi connaissance des actes de celui qui était l’abbé préféré des français. Plus de 50 ans après les actes, l’omerta se maintient presque toujours au sein de l’Église. Dans cette affaire très médiatique, Yolande du Fayet de la Tour tient tout de même à remercier Emmaüs France “d’avoir pris le problème à bras le corps".

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