Lors de son discours de politique générale début octobre, le Premier ministre, Michel Barnier avait indiqué vouloir "reprendre le dialogue" début 2025 sur le projet de loi sur la fin de vie. "Nous reprendrons l'examen du texte au moment où il a été interrompu, pour gagner du temps." avait-il déclaré le 2 octobre. Arrêté brutalement avec la dissolution, le texte prévoyait la légalisation en France du suicide médicalement assisté, avec exception d’euthanasie. Le Dr Alexis Burnod, chef du service de soins palliatifs à l'Institut Curie, était l'invité de la matinale. Il est revenu notamment sur les lignes rouges franchies par ce texte.
"[…] le projet initial a fait une sortie de route et sorti complètement de son cadre, estime Alexis Burnod qui a suivi de près les débats, […];en quelques heures on a eu l'élaboration d'un projet qui était bien plus permissif que l'ensemble des projets qui existent dans le monde, avec des propositions dans lesquelles l'acte d'euthanasie peut être fait par un proche, par quelqu'un de la famille, par un parent, que le délai entre la demande d'euthanasie et l'acte de faire mourir puisse être de 48 heures alors qu'en Belgique vous avez un mois et que ce temps-là puisse être réduit à zéro sur des critères subjectifs de dignité." Une évolution législative qui inquiètent le monde médical d'autant plus que l'accès aux soins palliatifs reste très inégal en France, "L’offre de soins n’est pas à la hauteur sur tout le territoire", explique le docteur Burnod, une situation qui pourrait pousser certaines personnes, faute de soins adéquats, à choisir l'euthanasie par désespoir, "vous êtes vulnérable, vous êtes euthanasiable."Je discutais encore hier avec des collègues de soins palliatifs dans différents endroits de France, ajoute le chef du service de soins palliatifs de l'Institut Curie, aucun patient ne leur dit : 'on en est où dans la loi ?' Ce qu'ils veulent, c'est être mieux soulagés, mieux soignés, qu'on améliore leur logistique du quotidien."
Si l'opinion publique semble favorable à une telle loi selon les sondages, elle n'est pourtant pas une priorité pour les Français. Pour le Dr Burnod, deux groupes de personnes soutiennent une évolution de la loi : ceux qui ont été témoins de "fins de vie inadmissibles" et qui souhaitent une alternative pour éviter la souffrance, et "les plus militants", qui prônent une "loi de liberté sans condition" permettant de décider du jour et de l’heure de sa mort, sans contrainte. Pourtant les choses ont bougé depuis six mois, "on a eu […] un élan très fort sur une meilleure inclusion de la vulnérabilité dans notre société ", mentionnant le succès du film "Un p'tit truc en plus", les exploits des athlètes aux Jeux Paralympiques, et le combat de trois jeunes pour sensibiliser à la maladie de Charcot, "au lieu de dire vous êtes vulnérable vous êtes euthanasiable, pouvoir dire vous êtes vulnérable et bien ensemble avec vous on est mobilisable. C'est, à mon avis, une occasion unique de pouvoir le faire et dans cette période où on est en tension partout, le risque de céder à la tentation bien compréhensible de faire mourir doit nous ressaisir et ce courant doit nous y aider, je pense."
Pour le Dr Alexis Burnod, il faut revoir le projet de loi, "si la copie initiale a contribué en quelques heures à une telle sortie de route, c’est qu’il ne faut pas repartir de cette copie initiale." Plaidant pour une réforme plus équilibrée, qui prenne en compte les réalités du terrain et priorise le développement des soins palliatifs, l'invité de la Matinale appelle en revanche à voter "le projet de loi de soins palliatifs" qui fait selon lui l'unanimité.
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