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Examen du budget de l'Etat : tensions autour des collectivités locales
Commission des Finances - Lafargue Raphael/ABACA

Examen du budget de l'Etat : tensions autour des collectivités locales

Par Camille Meyer

A peine 48 heures après son rejet en commission des Finances, le texte, de la partie "recettes" du budget de l'Etat, revient dans sa version initiale en séance publique, comme d'habitude pour les textes budgétaires. Le gouvernement a vu sa copie largement réécrite en commission, laissant présager des heures de débats difficiles dans l'hémicycle. Entre des articles clés supprimés et "60 milliards" de nouvelles recettes fiscales intégrées selon le bilan du président LFI de la commission Eric Coquerel (superprofits des entreprises, revenus du capital, etc...), la perspective a de quoi échauder le chef du gouvernement. Un gouvernement qui ambitionne de réaliser 60 milliards d'euros d'économies, dont 5 milliards imputés directement aux collectivités locales. Ces dernières, confrontées à cette nouvelle coupe budgétaire, expriment leur colère et craignent pour leur avenir. Pour l'invité de la Matinale, Muriel Fabre, "beaucoup de mesures et d'annulation de crédits aujourd'hui qui sont proposées dans le budget de l'État, vont forcément être une conséquence négative pour les services publics au quotidien et pour l'investissement."

Contexte et origine de la colère des collectivités

La tension entre les collectivités locales et l'État ne date pas d'hier. Depuis plusieurs mois, elles dénoncent une gestion financière qui les pénalise. Cette colère a pris de l'ampleur en septembre dernier, lorsque l'ancien ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a accusé les collectivités locales d'être responsables de 16 milliards d'euros de dérapages dans les comptes publics. Cet affrontement s'est intensifié le 2 octobre, après la publication du rapport de la Cour des comptes, qui recommande une réduction de 100 000 emplois dans la fonction publique territoriale, soit une baisse de 5,5 % sur six ans. À cela s'ajoute l'exigence de réaliser 5 milliards d'économies supplémentaires, une mesure qui inquiète fortement les élus locaux."Il faut quand même rappeler le rôle des collectivités qui est le nôtre. Nous participons à près de 70% d'investissement public." rappelle Muriel Fabre [...]"nous solliciter pour faire des économies, juste en faisant une nationalisation de nos recettes, n'est aujourd'hui pas la bonne solution. [...]"

Les inquiétudes des élus locaux

Pour beaucoup des collectivités locales, ces 5 milliards d'économies se traduiront par des coupes dans les services essentiels et un ralentissement des projets d'investissement locaux. "Pour nous, il y a une très très grande crainte, une très très grande inquiétude", ajoute-t-elle. Pour la maire de Lampertheim an Alsace, "ce budget, s'il est voté [...] va effectivement être [...] dans une perspective pour les collectivités assez difficile". Elle redoute un "effet récessif", car "avoir finalement une mainmise de près de 5 milliards sur nos recettes [...] va forcément avoir une conséquence négative pour les services publics au quotidien et pour l'investissement".

Les élus locaux se réunissent régulièrement pour discuter de ces questions, et la résistance contre ce budget est forte. Muriel Fabre rappelle que les maires sont souvent en première ligne pour répondre aux besoins des citoyens, notamment pendant les crises. "On a besoin de poursuivre tout ce que l'on fait au quotidien", insiste-t-elle, rappelant que "la dette des collectivités est stable" et que leur rôle reste central dans le développement local."Carole Delga, présidente des Régions de France, plaide en faveur d'un nouvel acte de décentralisation, estimant qu'une gestion locale plus autonome serait plus efficace que les mesures de recentralisation actuellement envisagées. "Aujourd'hui, il faut peut-être se poser la juste question de savoir qui est l'échelon le plus pertinent", souligne Muriel Fabre, soutenant l’idée que "la recentralisation conduira à des économies", mais qu'il est plus juste de réfléchir à la "performance de l'action publique".

Les recettes et les défis des collectivités

Les collectivités locales sont financées principalement par la dotation globale de fonctionnement (DGF), une enveloppe de l'État qui a été réduite ces dernières années, ainsi que par des recettes fiscales comme la taxe foncière, partiellement compensée par la suppression de la taxe d'habitation. Muriel Fabre souligne que ces sources de revenus sont insuffisantes pour compenser l'augmentation des charges, telles que les coûts énergétiques et la hausse des salaires du personnel communal. "Nous constatons de manière générale, un effet de ciseaux entre nos dépenses de fonctionnement qui continuent à augmenter témoigne la maire de Lampertheim non pas parce qu'on souhaite augmenter nos dépenses de fonctionnement. C'est là où je pense que le regard sur les collectivités est souvent biaisé. Elles augmentent parce que nous avons plus de charges RH liées à l'augmentation du coût d'indice, c'est 2,5 milliards d'euros. Elles augmentent parce qu'on a eu évidemment les hausses des coûts énergétiques. Elles augmentent parce qu'on est aussi tributaire de l'inflation. Et en parallèle, nos recettes diminuent."Elle s'inquiète également de la diminution "fonds de compensation de la TVA", indispensable pour les investissements. "Faire des coupes franches [...] sans concerter [...] est aujourd'hui le principal défaut de cette loi de finances", déplore-t-elle.

Le débat sur le budget de l'État 2025 à l'Assemblée nationale s'annonce houleux. Si le gouvernement cherche à faire des économies pour redresser les comptes publics, les collectivités locales refusent d'être les principales victimes de ces mesures. La question de la décentralisation et de la répartition des compétences entre l'État et les collectivités est également au cœur des discussions, avec un enjeu de taille : maintenir des services publics efficaces tout en répondant aux impératifs budgétaires. "On a besoin d'une réflexion profonde aujourd'hui de l'appareil d'État [...] Il ne faut pas faire des économies qui contribueraient soit à un effet récessif, soit à une dégradation des services dont ont besoin nos concitoyens aujourd'hui" résume Muriel Fabre. 


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