Les journalistes tournent en
rond ! Oui, après un mois de synode, il y a toujours aussi peu
d’informations qui filtrent de la salle Paul VI en dehors des conférences de
presse organisées par la Sala Stampa della Santa Sede, la salle de presse du
Saint-Siège. « Nous sommes dans l’écoute, la méthode, la
coresponsabilité, l’Eglise sur le même chemin » sont sûrement les
phrases les plus entendues à Rome depuis un mois. Finalement les pères et mères
synodaux ne sont pas les seuls à devoir jeûner médiatiquement, les journalistes
aussi. Trois journalistes vaticanistes étaient les invités, vendredi 27
octobre, du Presse Club d’Etienne Pépin et de Pauline de Torsiac, pour tenter
de vous expliquer ce qui attend l’Eglise.
"Conversation dans l’Esprit et jeûne
médiatique"
La conversion dans l’Esprit, c’est la méthode utilisée pour ce synode sur la synodalité. Concrètement, chacun leur tour, les participants prenaient la parole sur une thématique retenue. Une fois finit, la table fait silence, puis une nouvelle personne prend la parole. Ce synode sur synodalité veut d’abord écouter, « pas de débat, c'est la version officielle raconte Cyprien Viet, journaliste à I-Média qui a couvert le synode depuis le 4 octobre, peut-être qu'il y a eu quand même quelques accrochages, dont nous n’avons pas eu d'écho direct, après (…) il y a une volonté de ne pas laisser prise à des cristallisations (…) mais le résultat final laissera certainement la place à des divergences ». La méthode laisse dubitatif Jean-Marie Guénois, chef du service religion au Figaro, « eu égard à l’histoire et la tradition intellectuelle de l’Eglise qui justement apprécie le débat. C’est toute l’histoire des Conciles et jamais on n’avait vu qu’il fallait mettre sous le boisseau à ce point les désaccords. »
"La prise de parole de
François"
« L’Eglise est féminine,
elle est épouse, elle est mère », le pape François a pris la parole
jeudi alors que la lettre au peuple de Dieu était attendue. Fustigeant le
cléricalisme qui défigure le visage de l’Eglise par des attitudes machistes et
dictatoriales, son intervention paraît rude, « pour ceux qui
traitent l'actualité papale du lundi au vendredi, 365 jours par an »,
explique Jean-Charles Putzolu, rédacteur en chef de la rédaction française de
Radio Vatican, « François nous a largement habitué à ces discours
qui peuvent parfois choquer et il suffit d'écouter n'importe quelle audience
générale. Le cléricalisme et la mondanité, c'est quelque chose qu'il ne
supporte pas chez les prêtres et il ne manque jamais une occasion de le dire
avec des mots forts (...) pour lui un prêtre mondain va totalement à l'encontre
de l'esprit synodal. »
"Que dit la Lettre au peuple de Dieu
?"
"Il y a l'invention d'un
nouveau commandement analyse Jean-Marie Guénois,
il faut s'écouter et non plus seulement écouter, "s'écouter en
partant du bas (...) il y a une forme de discernement (...) on ne va plus
écouter le pape ou les évêques, on va écouter le plus pauvre, c'est ce qui est
demandé explicitement dans le texte". Renforcer les synergies
dans tous les domaines de la mission avec de la coresponsabilité, c'est le
souhait formulé par les pères et mères synodaux dans cette lettre. "Un
sujet peut-être pas assez fouillé" lors du Concile Vatican II
analyse Cyprien Viet, "les évêques qui avaient participé au Concile
s'étaient concentrés sur la collégialité épiscopale. Mais il y avait un peu une
zone grise sur les prêtres, sur les diacres, sur les laïcs, sur la
responsabilité des autres membres de l'Église, et c'est peut-être ça l'enjeu de
ce synode." D'ailleurs le mot "collégialité" n'a pas
été prononcé une seule fois ! Jean-Marie Guénois a interrogé la théologienne
Catherine Clifford, participante au synode, sur la disparition de ce mot du
vocabulaire synodal. "Elle m'a expliqué qu'effectivement ça avait été
mis en valeur par Vatican II mais qu'aujourd'hui la question n'était plus
tellement celle de la collégialité mais de la synodalité, chaque baptisé a voix
au chapitre, c'est ça la nouveauté."
"Un diaconat féminin ?"
C'est une des interrogations de ce
synode. Pour Cyprien Viet, "c'est le serpent de mer depuis le
début du pontificat de François. Il y a deux commissions qui se sont réunies et
elles n'ont rien donné." Le journaliste d'I-Média estime qu'avant
de parler de diaconat féminin, l'Eglise devrait réfléchir sur le diaconat
"en tant que tel, il n'a fait l'objet d'aucune encyclique, d'aucun
synode, d'aucun cadrage précis". Vatican II a ouvert le diaconat
permanent en 1963, "s’il y a des diocèses qui en ordonnent
quarante par an, d'autres ne l'ont jamais fait, donc posons d'abord la question
du diaconat en général parce qu'il n'y a pour l'instant pas de
cohérence globale"
"Et après ?"
Les conclusions du synode sont attendues dans la soirée, le pape devrait, à l'occasion, prendre la parole. "Finalement l'enjeu du synode c'est l'autorité de l'Eglise, que je traduis même en crédibilité" estime Jean-Marie Guénois. "L'Église sort d'une période où elle s'est affaissée où elle a perdu énormément de son aura. (...) je crains que ce synode, s'il ne débouche pas sur des choses concrètes à la fin, va beaucoup décevoir en interne et en externe." La question de l'autorité, après un mois de discussions, reste floue. Les conclusions attendues ce samedi soir permettront peut-être d'y voir plus claires, à moins que le pape, les pères et mères synodaux ne fassent encore patienter le peuple de Dieu… jusqu'en octobre 2024.
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