Annuntio vobis gaudium magnum : habemus papam ! Le 13 mars 2013, le cardinal Jean-Louis Tauran proclamait le nom de François depuis la loggia de la Basilique Saint Pierre. 266e pape, l’archevêque de Buenos-Aires, Jorge Bergoglio, est devenu le premier pontife sud-américain, et le premier jésuite.
Une élection que l’on pourrait qualifier d’inattendue, « nous pensions tous que le pape élu serait le cardinal Angelo Scola, archevêque de Milan et du reste, la conférence épiscopale italienne a publié, par mégarde, un communiqué de félicitations » raconte Frédéric Mounier, ancien correspondant à Rome pour La Croix et invité de Louis Daufresne ce lundi 13 mars 2023. Il y a 10 ans, le journaliste est assis, en salle de presse, à côté d’Antonio Spadaro, prêtre jésuite, directeur de la Civiltà Cattolica, « il me disait que jamais Bergoglio ne pourra être élu parce qu’il faut un homme jeune, un homme en bonne santé, un homme polyglotte et un homme qui aime voyager. » se souvient le vaticaniste, « tout le monde a senti qu’une nouvelle page s’ouvrait dans l’histoire de l’Eglise ».
Une obsession pour les périphéries
Ce nouveau chapitre de l’Eglise commence aux périphéries pour François. Pour Loup Besmond de Senneville, c’est une obsession : “il va dans des pays paumés, au Soudan du Sud par exemple. Il décentre l’Eglise du prisme européen et il fait prendre conscience que l’Eglise n’est pas qu’en Europe » analyse le correspondant au Vatican pour La Croix, « il fait entrer, au centre des préoccupations, ce qui ne l’étaient pas avant ». Le pape veut être un bâtisseur de ponts, défendant le multilatéralisme et dénonçant sans relâche le commerce des armes, préférant les pays marginalisés d’Europe de l’Est ou d’Afrique aux bastions catholiques occidentaux. Il développe le dialogue interreligieux, notamment avec l’islam, à l’image d’une visite historique en Irak en 2021. Un voyage qui a marqué Cyprien Viet, journaliste à IMédia, « il y avait vraiment une unité autour du pape François et une reconnaissance de son courage d’aller en Irak. Les clivages habituels autours de lui étaient tombés. Marqué par la fragilité physique du Saint-Père, le spécialiste du Vatican estime « qu’il a ouvert une brèche pour que les chrétiens puissent vivre en sécurité là-bas ». En 10 ans, François a effectué quarante voyages dont le dernier en République Démocratique du Congo et au Soudan du Sud, ne cessant également d’appeler à la paix et à la réconciliation.
François se fait proche des fidèles. Qui n’a jamais vu de photos ou vidéos du Saint-Père laissant un enfant joué à côte de lui en pleine audience, quitte à lui prêter sa calotte papale, ou encore bénissant ceux qui étaient portés jusqu’à sa papamobile ? C’est ce qui a marqué, Antoine-Marie Izoard, directeur de la rédaction de Famille Chrétienne, alors en poste au Vatican. « Le 31 mars 2013, il est pape depuis 15 jours et va entamer un tour en papamobile, juste avant la bénédiction Urbi et Orbi » témoigne t-il toujours ému, « un jeune handicapé, entièrement paralysé, passe de main en main et il est monté à la hauteur du pape qui l’attrape dans ses bras. Il a un sourire extraordinaire qui accueille cette souffrance et en même temps ce jeune. Et sur le visage du gamin, qui est assez marqué par la souffrance, va apparaître un grand sourire, et avec son bras maladroit, il arrive à mettre son bras autour du cou du pape. »
Une défiance de la Curie ?
C’est en interne que les choses semblent plus difficiles, notamment avec la Curie Romaine. « Il y a une défiance du pape vis-à-vis de la Curie et une défiance de la Curie vis-à-vis du pape » souligne Loup Besmond de Senneville. En 2014, François créé un Secrétariat pour l’Economie, encadre les investissements et lance des mesures anti-corruption. Le 19 mars 2022, le Vatican publie « Praedicate Evangelium« , une nouvelle constitution de la Curie. Elle met notamment au premier plan le dicastère pour l’Evangélisation, donne aux laïcs la possibilité d’être nommé à la tête d’un organisme de la Curie ou d’un dicastère ou encore renforce la commission consultative pour la protection des mineurs en l’intégrant à la Curie. Une constitution qui renforce le pouvoir pontifical mais qui est restée en travers de la gorge de certains prélats, peu enclin à une telle décentralisation.
Si la question de la démission du pape François revient régulièrement au centre de l’actualité, elle n’est pas à l’ordre du jour. Dans son agenda figure déjà un déplacement en Hongrie du 28 au 30 avril prochain avant les Journées Mondiales de la Jeunesse au Portugal cet été. Les 4e de François en tant que successeur de Pierre.
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