Monarchie élective, l’Église catholique « reproduit » ses papes selon un protocole rigoureux qui n’a rien de comparable avec l’investiture d’un homme politique aspirant à recueillir le suffrage populaire. Le conclave est un huis clos dont les acteurs sont fort peu nombreux (133 depuis la défection de deux cardinaux). Ne représentent-ils pas 1,4 milliard de catholiques ? L’effet d’entonnoir, si peu synodal, est considérable, sans doute inévitable. Tous les cardinaux ont été créés par un pape. Ces « princes de l’Église » ne doivent pas leur chapeau à un processus venu de la base mais d’un acte émanant du sommet. Leur vote est régi par la Constitution apostolique Universi Dominici Gregis, édictée par Jean-Paul II en 1996.
Avant le vote, il y a les préparatifs : les cardinaux électeurs, ceux âgés de moins de 80 ans (actuellement au nombre de 133), emménagent dans la résidence Sainte-Marthe située à l’intérieur de la cité du Vatican, où ils sont logés pendant tout le conclave.
Le parcours commence dans la chapelle Pauline du palais apostolique (lundi 5 mai à 17h30), où ecclésiastiques et laïcs prêtent serment, la main posée sur l'Évangile. S’ils ne gardent pas le secret, ils sont excommuniés. Il en va du salut de leur âme !
Le jour même où le conclave débute, une messe est célébrée dans la basilique Saint-Pierre (mercredi 7 mai à 10h00). le cardinal Giovanni Battista Re, doyen du collège cardinalice, y officiera. Puis les cardinaux se retrouvent de nouveau à la chapelle Pauline (mercredi 7 mai à 16h15). Vêtus de leur tenue liturgique composée d'une soutane écarlate, d'un rochet blanc (surplis à manches étroites), d'une mosette (courte pèlerine boutonnée sur le devant), d’une croix pectorale avec cordon rouge et or, d’un anneau, d’une calotte et d’une barrette (ceux des Églises orientales étant vêtus avec leurs propres costumes ecclésiastiques), ils y invoquent l'assistance du Saint-Esprit.
Au son de la litanie des saints, ils entrent en procession dans la chapelle Sixtine, aménagée pour l'occasion et dont l'isolement est scrupuleusement contrôlé. Après le dernier chant liturgique, le Veni Creator, ils prononcent le serment de garder le secret.
Le conclave débute (mercredi 7 mai à 16h30). Si, au XIIIe siècle, il faut près de trois ans pour désigner le pape Grégoire X – le conclave le plus long à ce jour – les rassemblements modernes ne durent généralement que quelques jours. En 2013 et en 2005, François et son prédécesseur Benoît XVI sont élus après deux jours de vote. Chaque cardinal porte un badge l'identifiant.
Selon un rituel hérité du Moyen Âge, le maître des célébrations prononce la formule « extra omnes » (tous dehors). Les personnes étrangères au conclave quittent les lieux. Les portes sont ensuite fermées, le principe étant que les cardinaux soient coupés du monde pour se protéger de toute influence extérieure.
Une fois reclus, les choses sérieuses commencent : par tirage au sort, trois cardinaux sont désignés « scrutateurs », trois « infirmarii » pour recueillir les votes des cardinaux malades et trois « réviseurs » qui vérifient le décompte des bulletins par les scrutateurs. Assis côte à côte sous la fresque monumentale du Jugement dernier peinte par Michel-Ange, les cardinaux reçoivent des bulletins de papier rectangulaires portant en haut l'inscription « Eligo in Summum Pontificem » (« J'élis comme souverain pontife ») avec un espace vide en dessous. Les électeurs écrivent à la main le nom de leur candidat, « d'une écriture non reconnaissable », et plient le bulletin de vote deux fois. En théorie, il est interdit de voter pour soi-même.
Leur choix est fait. Chaque cardinal se rend à tour de rôle à l'autel, portant son vote en l'air de manière à ce qu'il soit bien visible, et prononce à haute voix le serment suivant en latin : « Je prends à témoin le Christ Seigneur, qui me jugera, que je donne ma voix à celui que, selon Dieu, je juge devoir être élu. » Prenons la mesure de cette phrase. Chaque électeur est responsable devant sa conscience et devant le maître de toute chose. Voilà pourquoi des cardinaux, par le passé, ont parlé d’une épreuve redoutable dont ils auraient souhaité être épargné. C’était le cas du cardinal français Mgr Jean-Marie Lustiger (1926-2007).
L’électeur dépose ensuite son bulletin sur un plateau et le fait glisser dans l'urne, devant les scrutateurs, s'incline vers l'autel et retourne à sa place. Les cardinaux dont l'état de santé ou l'âge avancé ne leur permet pas de se rendre à l'autel remettent leur vote à un scrutateur, qui le dépose dans l'urne à leur place.
Une fois tous les bulletins recueillis, un scrutateur agite l'urne pour mélanger les bulletins, les transfère dans un deuxième récipient puis un autre en fait le compte. Il s’agit ensuite de dépouiller : deux scrutateurs notent les noms, tandis qu'un troisième les lit à haute voix, en perçant les bulletins avec une aiguille à travers le mot « Eligo » et les relie les uns aux autres. Les réviseurs vérifient ensuite que les scrutateurs n'ont commis aucune erreur.
Que faire si aucun cardinal n’obtient les deux tiers des voix ? Il faut revoter. Les électeurs passent alors directement à un deuxième tour. Les cardinaux procèdent à quatre scrutins par jour, deux le matin et deux l'après-midi jusqu'à ce qu'un pape soit proclamé. Conformément au silence requis par tous les participants au vote, les bulletins des deux scrutins et les notes prises par les cardinaux sont détruits, le camerlingue (cardinal assurant l'intérim entre deux papes) les brûlant dans un poêle.
La cheminée, visible par les fidèles depuis la place Saint-Pierre, émet une fumée noire si aucun pape n'a été élu et une fumée blanche en cas d'élection, par ajout de produits chimiques.
Après trois journées sans résultat, le scrutin est interrompu pour une journée de prières. Puis d'autres séries de scrutins sont organisées jusqu'à l'élection définitive.
Une fois élu, le nouveau pape répond à deux questions du cardinal doyen : « Acceptez-vous votre élection canonique comme Souverain Pontife ? » En répondant « oui », l'élu devient immédiatement pape et évêque de Rome. La seconde question porte sur sa nouvelle identité : « De quel nom voulez-vous être appelé ? » On conviendra que l’intéressé doit y avoir pensé…
Un par un, les cardinaux rendent hommage au nouveau pape. Viennent ensuite l'annonce aux fidèles – le fameux « Habemus papam » – par le cardinal protodiacre, puis l'apparition du nouveau pape et sa bénédiction apostolique Urbi et Orbi du balcon de la basilique Saint-Pierre.
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