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Tous Saints, tous fous ?
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Tous Saints, tous fous ?

Par Camille Meyer

Vous ne fêtez pas les morts aujourd’hui, surtout pas, dirait le père Thierry de Lesquen. L’Église fête bien les saints, "cette multitude d’hommes et de femmes qui sont parvenus à la sainteté. Des hommes et des femmes comme nous, alors que la sainteté est un attribut divin. C’est même l’attribut divin par excellence, puisque Dieu seul est saint, donc pas l’homme." Vous êtes perdus ? Il faut comprendre que nous célébrons en ce 1ᵉʳ novembre un grand mystère, "celui par lequel Dieu donne tout ce qu’il est à ses créatures ; on peut dire qu’il les divinise, ses créatures terrestres, pour les rendre célestes. Alors c’est évidemment complètement fou, au point qu’on peut se demander s’il est plus fou de croire que Dieu ait pu se faire homme ou bien que l’homme puisse être fait Dieu, d’une certaine manière, ou du moins semblable à Dieu."

Une date fixée en 835

Fête de tous les saints, connus et inconnus, elle a longtemps été célébrée à la suite des fêtes de la Pentecôte ou de Pâques. C’est d’ailleurs ce lien avec Pâques et la Pentecôte qui donne le sens originel de la Toussaint : il s’agit de fêter la victoire du Christ dans la vie de beaucoup d’hommes et de femmes, près de 40 000, si l’on en croit le Saint du jour. Une fête déplacée à de nombreuses reprises. Au Vᵉ siècle, à Rome, elle est fêtée après la Pentecôte, mais est déplacée une première fois par le pape Boniface IV. Le saint père a fait transférer une "foule de martyrs" des catacombes à l’ancien Panthéon, devenu l’église Sainte-Marie et des Martyrs, et souhaite honorer leur mémoire. Il institue ainsi la "fête de tous les martyrs, de tous les saints et de Marie". Le pape Grégoire III transfère la Toussaint du 13 mai au 1ᵉʳ novembre, date qui consacre une chapelle de la basilique Saint-Pierre à tous les saints. À partir de 835, c’est le pape Grégoire IV qui ordonne que la Toussaint soit fêtée dans le monde entier !

Réécoutez Oxygène : 

Concrètement la Toussaint, comment ça marche ? Il y a beaucoup de manières de définir la sainteté explique le père Thierry de Lesquen dans Oxygène, on peut parler de la pureté, de l'absence de péché. On peut parler de la vie éternelle, de l'absence de souffrance. Puis l'évangile de ce jour de la fête de la toussaint, c'est l'évangile des béatitudes de chapitre 5 de saint Matthieu, qui nous propose une porte d'entrée privilégiée, et c'est celle du bonheur." Un bonheur qui s’anticipe et qui est très paradoxal, comme le montrent les Béatitudes : « Le saint nous interpelle. Il interpelle le monde et chacun de nous », poursuit le curé de Saint-Albert-le-Grand à Paris. Pourquoi interpelle-t-il ? Parce qu’il ne semble pas faire le moindre cas de ce que le monde met pourtant au premier plan. (…) Par exemple, le monde est avide de richesse, le saint est avide de pauvreté. Le monde veut se rassurer en désirant la puissance, la domination ; lui, il recherche la douceur, l’humilité. Le monde cherche la jouissance, à faire la fête ; le saint, lui, ne dénigre pas les larmes. Il pleure sur les péchés, il pleure sur la souffrance des hommes. C’est le fameux épisode du curé d’Ars qui confesse, puis qui se met à pleurer ; et la femme qu’il confesse lui demande pourquoi il pleure. Il répond : « Je pleure parce que vous ne pleurez pas à cause de vos péchés. » 

Le monde, lui, ferme les yeux sur des situations injustes pourvu qu’elles ne le concernent pas de trop près ; que ce soit l’autre qui en pâtisse. Le saint, lui, ne se satisfait d’aucune situation injuste. Le monde conçoit la justice de façon très rétributive : œil pour œil, dent pour dent. Le saint est miséricordieux comme Dieu est miséricordieux. Il pardonne, il oublie, il oublie même son bon droit pour que l’autre puisse se relever. Il renonce à lui-même pour les autres. Ça, c’est évidemment héroïque, c’est de l’ordre du sacrifice. Le cœur des hommes est avide de jouissance, de biens en tout genre, de passion, d’excitation ; eh bien, le saint est pur de ces excès, il est surtout avide de Dieu. Le monde rêve d’une paix, bien sûr, mais d’une paix qui ne coûte pas grand-chose. Eh bien, le saint est prêt à tout perdre sur la terre pour que la paix véritable se fasse entre les hommes."

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