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L'Église face à ses démons: trois ans après le rapport Sauvé, que reste-t-il ?
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L'Église face à ses démons: trois ans après le rapport Sauvé, que reste-t-il ?

Par Faustine Claret

"Découvrir les traces que laissent dans la vie d'une personne des agressions sexuelles subies à 10, 12, 14 ans. Cela crée une rupture intérieure indélébile. C'est quelque chose d'extrêmement profond et qui n'est pas réparable", confie Jean-Marc Sauvé, président de la #CIASE de 2019 à 2021. Le 5 octobre 2021, Jean-Marc Sauvé remet le rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église en France, couvrant la période de 1950 à 2020. Trois ans plus tard, que reste-t-il de ce rapport ?

Trois ans plus tard : un chiffre et un mot

Entre 1950 et 2020, près de 330 000 enfants ont été victimes d’agressions sexuelles au sein de l’Église catholique française. Ce chiffre choquant met en lumière un phénomène "systémique", car les abus sexuels commis dans l'Église ne sont pas des incidents isolés, mais le résultat d'un problème profond et généralisé lié aux structures et au fonctionnement même de l'institution. Cela suggère que l'Église a, involontairement, mis en place des mécanismes ou des pratiques qui ont permis ou facilité ces abus, et qu'il existait une forme de silence organisé autour de ces actes. Dans le rapport Sauvé, la CIASE a dénoncé cette culture du silence et la manière dont l'Église a souvent couvert les abus.

Un phénomène systémique provoqué par deux facteurs

"Je pense qu'il y a la conjonction de deux choses : la perversion de l'autorité et le dévoiement de la notoriété ont permis ces actes." Face aux enfants, les membres du clergé représentent une autorité formelle du fait de leur appartenance à l'Église. Ces derniers jouissent souvent d'une visibilité publique et parfois d'une grande popularité au sein de leur diocèse, paroisse ou groupe scout. L'enfant se trouve ainsi face à un homme d'Église qui incarne non seulement l'autorité ecclésiastique, mais aussi un homme adulé par son entourage. "Le charisme d'un adulte à l'égard d'un jeune a, dans un certain nombre de cas, été maltraitant", insiste Jean-Marc Sauvé. La figure salvatrice du prêtre, qu'il soit progressiste ou conservateur, reste encore très présente dans l'Église catholique française. "Le fait que l'Église catholique entende apporter le salut a en réalité créé un impact beaucoup plus grave sur les victimes et a pu davantage favoriser l'emprise sur les jeunes et les abus sur les femmes. C’est terrible de constater qu'une institution censée éveiller à la vie, à la foi et apporter le salut, s'est finalement retrouvée en situation de commettre une œuvre de mort."

Chaque brebis compte, même les plus galeuses : le tournant des abus à partir des années 70

Le 21 avril 2007, la revue Civiltà Cattolica révélait un chiffre alarmant : en 40 ans, "69 063 prêtres ont quitté leur sacerdoce". Les archives sur l’abbé Pierre montrent qu’avant les années 70, les prêtres au comportement déviant étaient surveillés. "Jusque dans les années 70, l'Église avait mis en place un dispositif de contrôle, notamment par le Secours sacerdotal puis l'Entraide sacerdotale. Elle avait des établissements de soins et un système d'accompagnement des prêtres déviants, à la fois sur le plan médical et spirituel." Cependant, tout s'est arrêté dans les années 70, "au moment où il y a eu un effondrement du nombre de prêtres, avec beaucoup d'entre eux quittant également le sacerdoce. C'est la décennie 60-70, et tous ces dispositifs-là se sont effondrés. Il fallait sauver l'institution, donc toutes les brebis comptaient, même les plus galeuses."

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