Depuis le lundi 13 mai 2024, la Nouvelle-Calédonie est en proie à de nombreuses émeutes meurtrières. L'Etat d'urgence a été décrété mercredi 15 mai par le gouvernement français. Après cinq morts dont deux gendarmes, les prémices d'une guerre civile voient le jour. Pourquoi l'archipel en est-il arrivé là ?
Les tensions communautaires sont au cœur du problème de l'archipel. Depuis 1984, elles l'ébranlent. Kanak, européens, Wallisiens et Futuniens vivent au sein de ces îles du Pacifique. Avant la colonisation française en 1853, les Kanaks étaient les descendants des premiers locaux. Aujourd'hui, ils représentent 40% de la population selon l'Institut national de la statistique et des études économiques. Les "Européens" se divisent en deux catégories. Les "Caldoches" c'est-à-dire les descendants des colons blancs du XIXème siècle et les "Metro" ou "Zoreill" soient les nouveaux habitants, arrivés de France métropolitaine. Ensemble, ils représentent un quart de la population.
Les Kanaks sont majoritaires chez les indépendantistes. Ils s'opposent à l'élargissement du corps électoral lors des élections provinciales, un projet proposé par le gouvernement d'Emmanuel Macron, voté au Sénat et à l'Assemblée nationale. Ces votes ont mis le feu aux poudres du côté des kanaks.
Le 24 septembre 1984, le FLNKS voit le jour. Le Front de Libération Nationale Kanake Socialiste souhaite la "création d'un gouvernement provisoire de la future kanaky." Les indépendantistes dénoncent le refus de leur droit à l'autodétermination. Jusqu'en 1988, de nombreuses émeutes, embuscades, fusillades ont eu lieu. Le sommet de ces quatre années de guerre civile est la prise d'otage de vingt-sept gendarmes sur l'île d'Ouvéa par des Kanaks. Le bilan s'élève à vingt et un morts. dix neufs FLNKS et deux gendarmes. Le 26 juin 1988, les accords "de Matignon" sont signés entre Michel Rocard, Premier ministre, Jean-Marie Tjibaou pour le FLNKS et Jacques Lafleur pour le RPCR. Lors du référendum du 6 novembre 1988, les accords triparties sont ratifiés à 80%. Le 5 mai 1988, l'accord de Nouméa prolonge ceux de Matignon. Il a pour objectif d'instaurer une décolonisation sur vingt ans. Les Calédoniens l'entérinent à 71,86%. Le 4 novembre 2018, un premier référendum d'autodétermination est organisé. Le non l'emporte à 56,67%, en 2020, il est de 53,26% et en 2021 de 96,5%. Le 1er juin 2023, le Haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie présente un audit de la décolonisation et du bilan de l'accord de Nouméa. Le 19 janvier 2024, deux projets de loi sont proposés au Conseil des ministres. Ils ont pour but de modifier le corps électoral et de reporter les élections provinciales à la fin de l'année. En Nouvelle-Calédonie, "le corps électoral est ouvert aux électeurs inscrits sur la liste électorale de Nouvelle-Calédonie qui y sont nés ou y sont domiciliés depuis dix ans." C'est-à-dire que pour les élections provinciales, seuls les habitants et leurs descendants vivants depuis au moins dix ans en Nouvelle-Calédonie avant 1998 peuvent voter. L'accord de Nouméa prévoyait qu'à la fin des trois référendums d'autodétermination, l'accord serait ratifié. N'ayant pas remporté l'indépendance, l'Etat français souhaite ouvrir le vote aux autres habitants de nationalité française de la Nouvelle-Calédonie. Le FLNKS s'oppose à cet élargissement car proportionnellement, ils seront moins majoritaires aux urnes et craignent de perdre le contrôle de l'archipel et de ne jamais accéder à l'indépendance. Cette réforme fut votée le 2 avril au Sénat. Dès son arrivée à l'Assemblée nationale, le 13 mai 2024, les premiers affrontements sur place débutent. Deux jours plus tard, l'Assemblée nationale vote et l'Etat d'urgence est déclaré sur l'archipel.
Le jeudi 23 mai 2024, le président de la République Emmanuel Macron c'est rendu sur place. Il a déclaré "un mouvement d'insurrection absolument inédit". Sa visite a pour but de rétablir le dialogue.
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