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Haut-Karabakh : les origines du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan
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Haut-Karabakh : les origines du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan

Par Anne Crochon

Depuis le 27 septembre 2020, les tirs entre les indépendantistes Arméniens et les forces armées d’Azerbaïdjan se poursuivent aux frontières du Haut-Karabakh, une région séparatiste de 150 000 habitants, située au sud-ouest de l’Azerbaïdjan. Alors que le territoire majoritairement peuplé d’Arméniens entend rester indépendant, exerçant ainsi son droit à l’autodétermination des peuples, les Azerbaïdjanais se battent pour reprendre un territoire qui leur avait été attribué en 1921.

Depuis fin septembre 2020 et la reprise des tensions, la communauté internationale n’a eu de cesse de s’inquiéter du regain de violence et d’appeler à faire taire les armes. Sans succès. Selon l’AFP, près de 600 morts ont été comptabilisés, dont 73 civils, depuis le début du conflit, un bilan qui pourrait être en réalité bien plus lourd, l’Azerbaïdjan n’ayant pas révélé le nombre de ses militaires tués. 

La tentative de trêve humanitaire, négociée à Moscou et qui devait notamment permettre un échange de prisonniers et de corps aurait dû entrer en vigueur samedi 10 octobre 2020, mais elle n’a pas été respectée. Mardi 13 octobre 2020, c’est le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, qui a insisté pour que l’Arménie et l’Azerbaïdjan appliquent le cessez-le-feu conclu trois jours plus tôt.

L’Azerbaïdjan, qui a dépensé sans compter en armement ces dernières années et qui dispose du soutien de la Turquie, a prévenu que ses opérations militaires ne cesseront définitivement qu’en cas de retrait arménien du Haut-Karabakh. Pour rappel, les flambées de violence se sont enchaînées ces dix dernières années (2008, 2010, 2012, 2014, 2016 et 2018) mais ne se sont jamais conclues par un accord de paix durable.

Un territoire historiquement marqué par les conflits

Pour comprendre la nature de ce conflit, il faut remonter au début du XXe siècle. Le Haut-Karabakh, (ou Nagorny Karabakh en russe), est une région montagneuse peuplée en grande majorité d’Arméniens, qui n’a jamais accepté son incorporation à l’Azerbaïdjan en 1921, au début de l’URSS. Joseph Staline est alors commissaire aux nationalités de la Russie soviétique, et se charge de délimiter les frontières de l’Azerbaïdjan, de l’Arménie et de la Géorgie, territoires soviétisés par l’Armée rouge. Il décide ensuite de céder deux régions, le Haut-Karabakh et le Nakhitchan à l’Azerbaïdjan, dans une logique de  "diviser pour mieux régner et d’alliance avec la Turquie, entre Lénine et Kemal"

Claire Mouradian, directrice de recherche au CNRS, revient sur l’histoire récente du Caucase précise : "Lors de la désintégration de l’URSS, les Arméniens du Karabagh ont proclamé leur indépendance après un référendum le 2 septembre 1991, en même temps que l’Azerbaïdjan. Cela avait déjà déclenché un conflit qui s’était achevé par une victoire arménienne et un cessez-le-feu sous l’égide de la Russie en mai 1994.  S’en est ensuivi un long processus de négociations pour un règlement pacifique encadré par le groupe de Minsk, co-présidé par la France, les États-Unis et la Russie"

Les combats actuels opposent donc à nouveau les indépendantistes arméniens du Haut-Karabakh à l’Azerbaïdjan qui veut reconquérir la souveraineté sur ce territoire.

Pour la chercheuse au CNRS, il faut remonter plusieurs siècles en arrière pour comprendre les enjeux de ce conflit. "C‘est une zone par laquelle sont passées de multiples invasions, que se sont disputées de multiples empires – perse, russe, ottoman – […] et c’est aussi une voie de passage des commerces entre l’Europe et l’Asie, l’Orient et l’Occident. » Un territoire stratégique, sur la route des hydrocarbures de la Caspienne vers l’Europe, aujourd’hui disputé par une mosaïque de peuples, avec des religions, des langues, des origines diverses"

Qu’attendre des puissances étrangères ?

Aujourd’hui, le conflit a pris une dimension internationale de par un jeu d’interdépendances entre différents pays. L’Azerbaïdjan a reçu un soutien puissant de la part de la Turquie, derrière le slogan "Deux États, une Nation". Emmanuel Macron évoquait à ce propos début octobre, lors d’un sommet de l’Union européenne à Bruxelles, l’envoi décidé par le président Recep Tayyip Erdoğan de plusieurs centaines de soldats mercenaires syriens rémunérés : " Selon nos propres renseignements, 300 combattants ont quitté la Syrie pour rejoindre Bakou en passant par Gaziantep (Turquie). Ils sont connus, tracés, identifiés, ils viennent de groupes djihadistes qui opèrent dans la région d’Alep. "

La Turquie en position de force

"En dehors du soutien de sa diaspora, l’Arménie est toute seule", complète Claire Mouradian,  "la Russie est une soi-disant alliée, mais elle n’est pas fiable" En effet, la Russie s’est récemment rapprochée de la Turquie, et ce, malgré une alliance militaire stratégique avec l’Arménie. Le groupe de Minsk co-présidé par la France, les Etats-Unis et la Russie "essaient de jouer les médiateurs aujourd’hui, mais tous ont des intérêts avec la Turquie, qui se retrouve en position de force." L’Iran s’inquiète également, puisqu’elle partage une frontière commune avec l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Turquie. Elle craint de possibles répercussions du conflit sur sa province du nord peuplée d’Azéris. Pour l’instant, le pays conserve une vigilante neutralité, et a proposé sa médiation.

La question devrait être abordée à nouveau les 15 et 16 octobre 2020 lors du sommet de l’UE qui a déjà mis Ankara en garde contre son intervention, mais sans prendre de sanctions.

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