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Grégoire de Narek

18.03.23
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Grégoire de Narek

Carte blanche de Didier Rance 06h07

Les souffrances présentes du peuple arménien, surtout celui du Karabagh, abandonné de tous, m’inspirent de vous parler d’une étonnante particularité de cette nation. On peut en effet compter sur les doigts d’une main le livre qui a façonné l’âme d’une d’entre elles. Et quand il s’agit de poèmes les plus personnels qui soient, l’étonnement est encore plus grand. C’est le cas du Livre de Lamentation de Grégoire de Narek, couramment appelé en arménien “le Narek”. La proclamation de son auteur par le pape François comme docteur de l’Église universelle montre aussi son importance pour toutes les Églises.

Nous ne savons pas grand chose de Krikor Narekac’i, qui vécut au tournant du premier millénaire. Élevé dans le monastère de Narek, sur les riantes collines au sud du lac de Van, devenu moine, il partage son temps entre son couvent et l’enseignement. A travers cette vie toute simple, Grégoire est devenu l’âme du peuple arménien, dont il a façonné par ses écrits l’expression de la foi, la prière liturgique et personnelle, la culture. Les raisons de son emprise? Il parle du plus personnel, le mystère du Dieu vivant et sa rencontre de l’homme malgré ses faiblesses et ses échecs, de la façon la plus intime qui soit mais qui rejoint le cœur, surtout qu’il le chante dans une langue magnifique. Le désir fou de Dieu (cherché d’abord comme lumière) et la conscience de ses fautes jaillissent à chaque page du livre à travers soupirs, cris de louange ou de résipiscence, d’une violence qui abolit les barrières de temps, de langue et de culture -pour n’en citer que quelques-uns :

Moi, criminel, gibier de potence…

Moi, loqueteux, démuni…

Moi, visage défait, délire digital, soupir noyé…

Toi seul a le pouvoir d’effacer les souillures, de dissoudre le mal !

Grégoire est le docteur de l’amour ; celui de l’homme, impur mais qui le projette vers Dieu, celui de Dieu qui descend sur lui dans le pardon. Il écrit : « Dieu est tout et l’homme n’est rien ; Dieu est la sainteté, l’homme est la souillure ; Dieu est lumière, l’homme est ténèbres ; Dieu est la puissance, l’homme est faiblesse », mais cette vue apparemment sombre et qui s’exprime dans des gémissements est toute tournée vers la lumière, et transfigurée par l’espérance qui conduit à la joie et à la gratitude éperdue.

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