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Dans son recueil Recherche de la Base et du Sommet, le poète René Char écrit cette maxime de sagesse : « L’essentiel est toujours menacé par l’insignifiant, cycle bas ». Elle vaut de façon que je qualifierai d’indéfinie sinon infinie, tellement elle couvre des domaines de l’existence humaine.
Que de fois notre attention requise pour une lecture importante est distraite, au moment où ne devrions être qu’attention, par un moindre bruit, une odeur de cuisine, le souvenir d’un visage entraperçu dans la rue ou d’une publicité de métro de même – et nous voilà à la superficie de nous-même et passons à côté de ce qui aurait pu nous ouvrir l’esprit ou le cœur. Que de fois sommes-nous distraits face à une personne que nous rencontrons par un détail vestimentaire, une vague ressemblance, un tic de langage, une parole, et passons-nous à côté d’une rencontre réelle et qui aurait pu aller plus loin, le service ou peut être jusqu’à l’amitié.
Pareil dans le domaine du beau. Que de fois la beauté est réduite à l’utilité et pervertie en celle-ci. Que de pseudo-créateurs qui s’efforcent d’attirer ou de satisfaire les exigences de la clientèle. Au lieu de leur préférer comme les vrais le dialogue avec les nuages ou le cœur des hommes. Il en va de même pour Dieu, pour la vie sacramentelle et spirituelle – ces distractions que beaucoup parmi nous doivent confier à la miséricorde du Seigneur confession après confession. Nous les minimisons trop souvent en n’y voyant que d’anodines sorties de route passagères sans grande importance. Mais non ! Le mot distraction est quasi-synonyme de divertissement, dont Pascal a montré qu’il est le premier obstacle et le plus grave sur le chemin vers Dieu, qu’il nous fait insensiblement arriver jusqu’à la mort sans avoir réellement vécu. On lit déjà dans l’Apologie de Socrate de Platon : « une vie non réfléchie vaut-elle la peine d’être vécue ? Non ». Pour les Pères du Désert une lutte sévère contre les distractions, le di-vertissement, était le b.a.ba du combat spirituel. Le divertissement comme système d’existence est le pire complot, la pire machine contre la vie. René Char dit d’ailleurs avec justesse : “cycle bas” – car le divertissement tourne toujours et nous entraine, sans profondeur ni hauteur.