04.02.20 Catégorie(s) : Actualité

L’Australie est-elle en train de vivre un tournant religieux ?

Peut-on tout dire sous couvert de la religion ? En Australie, la loi pourra désormais autoriser ses citoyens à exprimer librement des propos ou à adopter des comportements en accord avec leur religion quitte à être polémiques et controversés.   Le 10 avril dernier, Israel Folau, une star australienne du ballon ovale publie un message…

Peut-on tout dire sous couvert de la religion ? En Australie, la loi pourra désormais autoriser ses citoyens à exprimer librement des propos ou à adopter des comportements en accord avec leur religion quitte à être polémiques et controversés.

 

Le 10 avril dernier, Israel Folau, une star australienne du ballon ovale publie un message sur Instagram qui ne sera pas sans conséquence pour sa carrière de rugbyman. Le sportif, aussi fervent chrétien évangéliste, affirme ceci : « Ivrognes, homosexuels, adultères, menteurs, fornicateurs, voleurs, athées, idolâtres, l’Enfer vous attend. Repentez-vous ! Seul Jésus peut vous sauver ». Quelques jours plus tard,  l’équipe nationale d’Australie dans laquelle il joue résilie son contrat pour avoir partagé des propos homophobes et ses opinions religieuses controversées sur les réseaux sociaux. Suspendu dans son pays, Israel Folau vient tout juste de signer un nouveau contrat en France, plus précisément à Perpignan où il a été accueilli « discrètement » selon son nouveau club, les « Dragons Catalans ».

 

Un projet de loi controversé

L’affaire qui devait rester cantonnée à la sphère sportive a finalement gagné les organes politiques du pays. Elle aurait en effet inspiré un nouveau projet de loi sur la liberté de religion porté en décembre 2019 par le gouvernement australien. Le sujet des protections religieuses avait déjà été abordé en 2017, au moment des débat sur l’adoption du mariage homosexuel. Qu’apporterait donc cette nouvelle loi sous couvert d’une meilleure liberté religieuse ? Chaque citoyen australien pourra désormais exprimer ses propres convictions personnelles en matière de religion notamment en milieu professionnel, dans le domaine médical, à l’école, dans les médias sociaux (…), sans toutefois être inquiété. A l’hôpital par exemple, un médecin pourrait dire à son patient transgenre que Dieu a créé des hommes et des femmes à son image et que le genre est donc binaire. Un élève handicapé pourrait être aussi informé par son enseignant que son handicap est un procès imposé par Dieu… Autre nouvel acquis de ce projet de loi : les professionnels de la santé pourront être autorisés à s’opposer à la prestation de services de santé (de type contraceptif ou un traitement hormonal par exemple) sans qu’aucune règle professionnelle ne puisse prévaloir sur ce droit.

Si ces nouvelles mesures visent à offrir davantage de protections contre la discrimination fondée sur la religion, elles pourraient d’un autre côté réduire un certain nombre de droits. C’est d’ailleurs ce que craignent plusieurs associations, notamment de défense des droits LGBTQ+. Dans une interview accordée au média Starobserver, le révérend Dale Yardy souligne l’aspect « à double tranchant » de ce projet de loi : « Je soutiendrai la protection de toutes les religions contre la discrimination fondée sur leurs convictions, à condition que ces convictions n’oppriment pas la dignité, les droits et l’humanité des autres ».  « La religion ne devrait pas avoir le pouvoir et les privilèges sur nos droits inhérents à l’Australie« , ajoute-t-il.  

 

Un Premier ministre fervent évangéliste et conservateur

L’Australie entretient, de fait, un rapport ambivalent avec la religion. Depuis la création du Commonwealth d’Australie en 1901, la liberté religieuse est garantie et toute religion d’État est proscrite. Cependant, les représentants de l’Etat adoptent régulièrement des comportements de sympathie envers la religion. C’est le cas des séances au Parlement d’Australie qui sont inaugurées très régulièrement par des prières. Le Premier ministre, Scott Morrison, membre du Parti libéral d’Australie élu en 2018 à la tête du gouvernement, n’a jamais caché son appartenance à l’Eglise pentecôtiste. Lors de son discours de victoire en 2018, il tient d’ailleurs ses propos : « J’ai toujours cru aux miracles« . Au-delà de l’expression populaire, cette phrase en dit beaucoup sur l’attachement du chef du gouvernement australien à la providence divine. Or, cette croyance selon laquelle tout est sous le contrôle de Dieu et cette lecture littérale de la Bible expliquent les nouvelles prises de position du gouvernement australien sur des questions sociales et sociétales comme l’écologie, le droit des minorités, l’immigration ou encore la liberté religieuse. Ce sursaut religieux au sein de l’appareil d’Etat n’est pas tout à fait visible au sein de la société elle-même. D’après les derniers chiffres de recensement religieux parmi la population australienne, la catégorie des personnes sans religion est majoritaire avec 30% de la population. Les catholiques représentent 22,6%. Viennent ensuite les Anglicans (13.3%), les autres chrétiens (16.3%), les musulmans (2.6%), les bouddhistes (2.4%), les hindous (1.9%) et autres religions (1.7%).

La population ne s’est donc pas encore véritablement manifestée sur le sujet. La Conférence des évêques catholiques d’Australie a quant à elle salué ce projet de loi, soulignant toutefois la nécessité d’aller plus loin dans la protection de la liberté religieuse. « Ce projet de loi maintient les différents niveaux de protection des employés des grandes et petites entreprises, et les employés des agences gouvernementales sont totalement exclus de ces droits à la liberté religieuse« , a -t-elle déclaré. En attendant une éventuelle nouvelle mouture du projet de loi, celui-ci sera bientôt présenté au Parlement australien. 

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