Mais d’où est venue cette étrange idée que l’entrée au Paradis serait sans condition ?

Irons nous tous au Paradis comme le dit la chanson ? Ces questions se posent d’autant plus qu’en France, fille aînée de l’église, 66% des français et 56% des catholiques pratiquants ou non affirment ne pas croire à l’existence du paradis, estimant que leur vie se limite à un état biologique ! Et 13% des catholiques qui vont à la messe tous les dimanches ne croient pas au Paradis, 8% ne se prononcent pas !¹ Oh vous me direz que chez les protestants, rares sont ceux qui croient au purgatoire. La quasi-totalité des évangéliques, luthériens ou pentecôtistes croient qu’il est possible d’entrer au Paradis par la foi seulement. Pour eux, la pratique de la prière et des sacrements comme l’obligation d’observer les commandements de Dieu ne seraient plus nécessaires pour entrer au Ciel. Au point qu’en Suisse, où le protestantisme a été historiquement dominant, la moitié² des suisses qui croient au Paradis et à l’enfer croient que nous irons tous au Paradis.³ Alors la seule condition pour être sauvé est-elle d’avoir la foi, sola fide, ou d’avoir la foi et de pratiquer les œuvres prescrites par la loi ? La question demeure car la déclaration commune des luthériens et des catholiques⁴ sur la justification n’a pas effacé la différence de fond sur la condition d’entrée au Paradis. Pourquoi ? Mais parce que justement la foi luthérienne et la foi catholique sont différentes, et comme le note Benoît XVI, pour Luther «La certitude de foi se réfère essentiellement à moi-même : c’est la certitude de ma justification (…) pour lui, l’essence du sacrement de pénitence ne consiste pas à remettre les péchés, mais à m’infuser la certitude de la rémission. »⁵ Or il est clair que depuis la Réforme menée par Luther un flou croissant règne chez les catholiques sur la vérité des conditions d’entrée au Paradis. Un des exemples les plus flagrants est la théorie du christianisme anonyme du jésuite Karl Rahner. Ce théologien très renommé postulait dans les années soixante que tout homme de bonne volonté est un chrétien qui s’ignore : il serait possible pour Rahner de devenir chrétien sans avoir à appartenir à l’église, sans même le demander, et donc, il serait possible d’être sauvé sans même se convertir ! D’ailleurs on n’arrive pas à savoir si Rahner affirme ou nie l’existence du Purgatoire, il n’y croit pas tout à fait sans le rejeter totalement.⁶ Ce type de théologie catholique et réformée à la fois, recentrée sur l’homme et sur ce qu’il ressent, n’a plus grand chose à dire de clair et de définitif sur les conditions d’entrées au Paradis. Or selon Benoît XVI « Dans l’église primitive, la théologie de Luther n’a pour correspondant que Marcion, dont la théorie a toutefois été exclue très tôt dans l’église primitive parce qu’elle était considérée comme hérétique »⁷. D’abord critiquée avec méfiance, cette théorie est pourtant devenue un courant majoritaire du catholicisme en occident. Au point qu’aujourd’hui, beaucoup de catholiques affirment que les vérités de la foi, dont celle des conditions d’entrée au Paradis, doivent évoluer pour se plier à la situation et aux perceptions nouvelles de la modernité.

Vraiment ? Alors chers amis, et d’ici à Dimanche prochain, n’oublions pas que tous les théologiens ne sont pas des saints⁸. Il suffit de regarder le Christ sur la Croix pour se méfier d’un Paradis certes donné gratuitement mais dont les conditions d’entrée changent avec le temps et les circonstances, sont noyées dans un épais brouillard et évoquées par des positions floues et contradictoires. Si les œuvres de charité des saints issues de la foi n’étaient pas suffisantes, puisque le salut est gratuit, elles étaient cependant nécessaires à leur salut. Car comme le chantait le Roi David « Dans l’accomplissement de la loi se trouve d’abondantes récompenses »⁹

¹ Sondage CSA 2010 publié par la Vie

² 10% de la population affirme croire au Paradis et à l’enfer, 9% croient qu’elles seront réincarnées dans une autre créature, 7% croient à un monde sans Dieu après la mort

³ Sondage Institut Link 2018 pour le mensuel

⁴ Augsbourg 1999

⁵ Cf Benoît XVI, Ce qu’est le christianisme, Editions Le Rocher Artège 2023, p.144

⁶ Voyez Karl Rahner, Traité fondamental de la foi, Le Centurion, Paris, 1983

⁷ Cf Benoît XVI, Ce qu’est le christianisme, Editions Le Rocher Artège 2023, p.145

⁸ Cf (1 Co 7, 19)

⁹ (Ps 18,12)