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Socrate pèlerin… Skovoroda, philosophe et marcheur

03.06.23
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Socrate pèlerin… Skovoroda, philosophe et marcheur

Carte blanche de Didier Rance 06h07

Je pense à tous ces pèlerins et marcheurs qui nous ont précédé sur les chemins que nous foulons. Remarquons-le il n’y a pas beaucoup de penseurs parmi eux. Quelques philosophes marcheurs, dont on peut d’ailleurs se demander si écrire sur la marche après une petite ballade pépère n’a pas remplacé chez plusieurs la marche proprement dite – c’est le cas de Rousseau après sa jeunesse itinérante, de Kant à Königsberg, de Nietzsche sûrement, qui confond les allées d’un jardin public ou d’une station suisse avec les hautes cimes des Alpes « à 6000 pieds au-dessus de l’homme et du temps », tartarinade. Mais j’ai rencontré un vrai philosophe pèlerin, avec qui j’ai cheminé un peu une année vers Compostelle, il en était à son quatrième circuit Rome, Lourdes, Santiago, Fatima, et se lamentait car on lui avait volé le manuscrit de sa métaphysique de la marche, du vécu ! Et puis il y a le philosophe pèlerin et itinérant Hryhrory Skovoroda, le Socrate ukrainien, au 18e siècle. Fils d’un cosaque, celui-ci commence une carrière de chanteur dans la maitrise de la Cour impériale à Saint-Pétersbourg, puis enseigne la poésie dans un séminaire. Il voyage à travers l’Europe, devient le précepteur d’un jeune noble, enseigne la poésie dans un collège de Kharkiv, écrit sur la philosophie et la morale chrétiennes. Puis soudain, à près de 50 ans, le voici qui abandonne tout et part sur les routes et les chemins de l’Ukraine en philosophe itinérant. Il le fera jusqu’à sa mort près de 25 ans plus tard. Il enseigne sa vision du monde par la parole et par le livre, enrichissant la langue ukrainienne. Il fait aussi passer sa pensée dans des ballades, s’accompagnant de sa kobza, espèce de luth ukrainien, prototype du poète-chanteur vagabond de la culture ukrainienne. Sa pensée est profondément ancrée dans sa foi chrétienne, orthodoxe sans sectarisme, originale. Un jour, le vieux Skovoroda arrive dans une propriété et annonce qu’il ne bougera plus. Les deux jours suivant, il est dehors avec une pelle. Le troisième soir, il se lève de table et dit quelques mots puis: : « J’ai terminé », va s’allonger et meurt. On découvre qu’il a creusé sa tombe dans le jardin ! On l’enterre dedans et on met comme épitaphe ses dernières paroles: « Le monde a essayé de m’attraper, mais il n’a pas réussi ».

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