Piotr Smolar : “La CIA annonce un monde de plus en plus fragmenté »
Il a étudié le nouveau rapport de la CIA sur le monde en 2040. Piotr Smolar, journaliste spécialisé dans les relations internationales était l’invité d’Yves Delafoy ce matin pour parler de ces prédictions alarmistes mais pas moins fondées. On aimerait tous savoir à quoi ressemblera le monde dans 20 ans. Mais, à la lecture du rapport…
Il a étudié le nouveau rapport de la CIA sur le monde en 2040. Piotr Smolar, journaliste spécialisé dans les relations internationales était l’invité d’Yves Delafoy ce matin pour parler de ces prédictions alarmistes mais pas moins fondées.
On aimerait tous savoir à quoi ressemblera le monde dans 20 ans. Mais, à la lecture du rapport de la CIA sur l’état du monde dans une génération, peu nombreux seront ceux qui manipuleront encore leur boule de cristal. Car entre la montée des eaux, l’urbanisation à outrance, l’insécurité alimentaire, l’accroissement des inégalités, la CIA offre un tableau alarmiste du monde d’après.
Pour Le Choix de la rédaction, Yves Delafoy a tout de même décidé ce mercredi de réaliser une petite promenade dans ce futur incertain, en compagnie de Piotr Smolar, journaliste spécialisé dans les relations internationales, auteur de “Le monde en 2040 vu par la CIA”. Comme après chaque élection présidentielle aux Etats-Unis, l’agence de renseignement américaine dépose sur le bureau du nouveau président élu, en l’occurrence Joe Biden en 2021, un rapport sur les enjeux qui agiteront le monde durant les prochaines décennies. “Comment les sociétés affronteront-elle le vieillissement de leur population ? Comment résisteront-elles à la pression migratoire ? Au manque d’eau ? Pourquoi la jeunesse risque-t-elle de connaître des troubles mentaux aigus ? La technologie pourra t-elle atténuer les effets du changement climatique ? Quels seront les pays qui détermineront la marche des prochaines décennies ? Une renaissance démocratique est-elle possible ?” Autant de questions soulevées par cette 7e édition, rédigée le NIC (National Intelligence Council), le Conseil national du renseignement américain.
Une (ré)volution à double tranchant
“Il ne s’agit pas d’infos confidentielles mais plutôt d’un effort intellectuel de projection dans le temps. Ces prédictions se basent sur des données concrètes, connues de tous (statistiques, évolution de la démographie, économie…) et qui tiennent compte d’une concertation avec différents experts de ces disciplines. Il combine à la fois la démographie, l’économie, l’écologie, le progrès technologique, l’irruption de la surveillance sur internet…”, précise Piotr Smolar. Le premier constat relevé tient à l’accélération du temps à laquelle nous assistons déjà : “Il y a dix ans, la place des téléphones portables dans notre vie aurait été inimaginable telle qu’elle est aujourd’hui. Ces bouleversements là vont s’accélérer. Cela peut provoquer de véritables miracles scientifiques (les vaccins nouvelle génération aujourd’hui généralisés à grande échelle pour lutter contre le Covid-19) avec tout de même une part de risques ». Ce rapport souligne ainsi toute l’ambiguïté du progrès qui engendre à la fois beaucoup d’espoir et de grandes inquiétudes : “On a l’impression d’être sur un manège qui ne s’arrête jamais”, image-t-il.
Parmi les préoccupations des années à venir, sans surprise, la question environnementale arrive au premier plan. « On voit bien que cette inquiétude est de plus en en plus forte” avec des phénomènes pointés du doigt par les scientifiques depuis des années, aujourd’hui visibles à “l’œil nu”. L’autre crainte concerne la problématique démographique. La planète comptera 1,4 milliards d’humains supplémentaires d’ici 2040 avec des divergences selon les régions. Cette croissance explosera surtout dans des régions comme l’Afrique sub-saharienne tandis qu’elle basculera dans l’autre sens en Europe où la population est amenée à vieillir. “La part des personnes âgées devrait alors dépasser les 25% de la population”, détaille le journaliste. Ce vieillissement de la population aura comme conséquence d’engendrer de nouvelles demandes (notamment en matière de soins, de santé mais aussi en matière d’emploi avec la généralisation de l’automatisation, de nouveaux services…).
L’aggravation du complotisme
Côté démocratique, les pronostics ne sont pas non plus très reluisants. “La CIA annonce un monde de plus en plus fragmenté au risque de faire vaciller l’idéal démocratique”. Premier exemple de taille en date, l’assaut sur le Capitole qui a été le reflet d’une “espèce d’acmé des convulsions de l’ère Trump”. L’épanouissement grave des thèses complotistes a trouvé un terreau fertile avec la pandémie. Mais, cette méfiance à l’égard de toute parole officielle (politique, médiatique, scientifique…) pourrait encore s’approfondir, prévient Piotr Smolar.