« Décryptage » : repenser le capitalisme néo-libéral ?
Et si nous assistions à la dernière chance du capitalisme ? Du diagnostic aux thérapies, Laurent Lemire fait le point sur la situation actuelle dans « Décryptage ». C’est un fait : « le capitalisme néolibéral – né avec Thatcher et Reagan – est aujourd’hui malade, et la crise sanitaire a été un accélérateur », ajoute Marie-Paule Virard. La…
Et si nous assistions à la dernière chance du capitalisme ? Du diagnostic aux thérapies, Laurent Lemire fait le point sur la situation actuelle dans « Décryptage ».
C’est un fait : « le capitalisme néolibéral – né avec Thatcher et Reagan – est aujourd’hui malade, et la crise sanitaire a été un accélérateur », ajoute Marie-Paule Virard. La journaliste estime que ce capitalisme néolibéral est désormais « inefficace » : « il ne produit même plus de croissance, et il crée de moins en moins de richesses et de bien-être pour le plus grand nombre », explique-t-elle, « c’est une rentabilité servie aux actionnaires ». « Les salariés, les citoyens en général sont de plus en plus désespérés, ce système capitaliste a un problème d’acceptabilité sociale qui peut déboucher sur une crise de la démocratie ».
« Depuis 20 ans, les actionnaires ont toujours les mêmes exigences de rentabilité à deux chiffres aux détriments des investissements, de l’innovation et des revenus des salariés », Marie-Paule Virard
Pierre-Yves Henin souligne que nous avons à faire à « un capitalisme qui fait système avec le modèle démocratique occidental ». « Il paraissait triomphant à la chute du communisme comme le présidait Francis Fukuyama avec la fin de l’Histoire ». Une « prédiction erronée », selon Pierre-Yves Henin, car « le système communiste a trouvé un variant en changeant son objet de légitimation par la défense d’un intérêt national », associant une dimension autoritaire à une dimension nationale. Un système qui trouve ses racines en Asie du sud-est notamment, à l’image de Singapour et son capitalisme d’Etat, « à la fois autoritaire national et porteur d’un grand dynamisme », souligne P-Y. Henin.
« Ce concept de capitalisme autoritaire se décline un peu partout, notamment dans les populismes occidentaux, comme dans le trumpisme », Pierre-Yves Henin
Marie-Paule Virard rappelle que pendant la crise du Covid, « un million de Français sont passés de la précarité à la pauvreté », une dizaine de millions de personnes vivent de façon précaire aujourd’hui. Un pauvre sur deux a moins de 30 ans en France . « Le capitalisme a dégradé la situation des classes populaires mais aussi des classes moyennes qui sont le socle de la démocratie », ajoute-t-elle. Et de constater une désindustrialisation plus poussée en France qu’ailleurs en Europe, « des pans entiers de l’industrie notamment l’industrie automobile » qui ont été délocalisés massivement détruisant beaucoup d’emplois. « Le tandem coût et compétences est extrêmement mortifère en France », pointe-t-elle du doigt. Et d’appeler de ses vœux « un plan d’éducation et de formation comme priorité essentielle », car, insiste Marie-Paule Virard, « le problème des compétences » est central en France qui « est toujours dans les profondeurs du classement en particulier dans les maths, les sciences de la vie, l’innovation, l’esprit d’entreprise. la recherche et développement ». « Il faut aussi reprendre la main sur les produits stratégiques et l’Etat a là un rôle à jouer », conclut-elle. De son côté, Pierre-Yves Henin affirme que cette reconstruction du capitalisme « ne doit pas prendre en compte un certain anti-économisme ».
Les invités de Laurent Lemire :
Marie-Paule Virard, journaliste, qui publie avec Patrick Artus « La dernière chance du capitalisme », aux éditions Odile Jacob
Pierre-Yves Henin, économiste et historien à l’université Paris I Panthéon Sorbonne. Son dernier livre : « Le National-Capitalisme autoritaire, une menace pour la démocratie » (avec Ahmet Insel), Editions Bleu autour.