Les oubliés de la Résistance
C’est un sujet maintes fois analysé, étudié, filmé. Et si nous n’avions peut-être pas tout écrit du chapitre de la Résistance en France ? Quid des femmes ou encore des chrétiens, ces grands oubliés des maquis ? Jérôme Cordelier, rédacteur en chef au Point, leur accorde la place qu’ils méritent dans son livre « L’espérance est un…
C’est un sujet maintes fois analysé, étudié, filmé. Et si nous n’avions peut-être pas tout écrit du chapitre de la Résistance en France ? Quid des femmes ou encore des chrétiens, ces grands oubliés des maquis ? Jérôme Cordelier, rédacteur en chef au Point, leur accorde la place qu’ils méritent dans son livre « L’espérance est un risque à courir – sur les traces des résistants chrétiens 1939-1945 » (Calmann-Lévy).
Le mois de juin reste dans les livres d’Histoire le mois de la Résistance. Le 18 juin 1940, le général de Gaulle lance depuis Londres son appel à tous les Français qui le souhaitent de rejoindre son combat contre l’oppresseur nazi. Le 6 juin 1944, les Alliés débarquent sur les plages normandes et prennent le dessus sur l’occupation allemande. Que n’a t-on dit et écrit sur la Résistance ? Combien de personnes se sont attribuées quelque acte héroïque indûment ou tardivement ? Jérôme Cordelier est pourtant allé à la rencontre de ceux que l’on a peu ou pas entendu sur le sujet. Le rédacteur en chef au Point a recueilli de nombreux témoignages de femmes, de chrétiens, catholiques, protestants et orthodoxes, dont les rôles ont été minimisés. Il est l’auteur de « L’espérance est un risque à courir – sur les traces des résistants chrétiens 1939-1945 » (Calmann-Lévy).
Des gens ordinaires
Si beaucoup de résistants célèbres sont tombés malgré eux dans la notoriété, la plupart sont liés par un idéal de discrétion. Un aspect qui contraste selon Jérôme Cordelier avec la définition actuelle de notoriété, intrinsèquement liée avec l’usage fait des réseaux sociaux : « Ces résistants ne parlaient pas de leurs faits d’armes, même longtemps après la guerre. Je trouve que dans une époque où l’on fait beaucoup d’exhibitionnisme via Instagram, ces « petits combats » marquent un contrepoint à notre époque intéressant ».
Leurs noms sont devenus des références historiques et pourtant leur quotidien ressemblait à celui de la plupart des Français « ordinaires » de l’époque. Cette image contrastée entre la banalité du quotidien et l’héroïsme de certains actes, Jérôme Cordelier a tenté de la souligner grâce à une méthodologie alternant les phases de documentations dans des centres d’archives un peu partout en France et surtout en allant sur le terrain, au contact de « monsieur et madame tout le monde ». Car la Résistance naît justement dans la banalité du quotidien. « Ce n’est pas forcément quelqu’un qui se dit un beau matin : « Tiens je vais résister ». C‘est un espèce de d’engrenage naturel qui pousse des gens à entrer dans un combat qui parfois les dépasse. »
La place des femmes dans la résistance
Si beaucoup de résistants se sont faits après-guerre discrets, certains et surtout certaines l’ont été sans le vouloir vraiment. Les femmes ont participé activement aux mouvements de résistance durant la Seconde Guerre mondiale et pourtant l’histoire omet bien souvent de le mentionner. Pourquoi? « Parce que l’histoire a été écrite par les hommes », répond Jérôme Cordelier. « Parmi les 1038 compagnons de la libération, 6 femmes ont été honoré, alors que bien plus se sont engagées », atteste-t-il. Il y a des noms demeurés célèbres tels que Berthy Albrecht, Lucie Aubrac, Josephine Baker, Germaine Tillion… Mais la plupart sont restés anonymes malgré leur actes tout aussi héroïques. Jérôme Cordelier cite tour à tour, Jacqueline Fleury, « grande résistante, déportée à Ravensbruck, Alix Bedos, qui organise la résistance à Nîmes ou encore la dernière fille du maréchal Leclerc, Madame Bénédicte Leclerc de Hautecloque de Franqueville, fille du général Leclerc, qui a consacré une bonne partie de sa vie à perpétuer la mémoire de son père à travers sa foi. Autre signe fort de cette mauvaise reconnaissance des femmes résistantes, la quasi absence d’ouvrages sur le sujet. « C‘est quelque chose que les historiens sont en train de rattraper », détaille-t-il.
La résistance chrétienne
Comme les femmes sont les grandes oubliées de la Résistance, les chrétiens plus globalement n’ont pas reçu forcément la reconnaissance escomptée. D’autant que leur histoire est ternie par la pactisation entre le Vatican et Vichy en 1940, matérialisée par cette lettre entre le pape, les cardinaux et les évêques français qui ont affirmé sans inféodation un loyalisme sincère et complet envers le pouvoir établi à Vichy. Pourtant, il existe de nombreux exemples de mobilisation chrétienne : « les jésuites de de Fourvière qui ont formé les les Cahiers du témoignage chrétien, c’est quand même une résistance chrétienne. Même chose avec Edmond Michelet, Les dominicains à Marseille et Nice par exemple… Puis globalement, toutes ces religieuses qui ont accueilli des juifs dans leur couvent un peu partout en France, là aussi c’est une résistance chrétienne. » Pour Jérôme Cordelier, si ces gestes ne sont pas marqués du sceau de la religion, il est évident que tous ces résistants ont été motivés dans leur cœur par leur foi. « Si la foi n’est pas le moteur premier, elle est quand même constitutive de leur identité. Elle les a pétris et donc elle peut expliquer leur geste d’audace et de courage. Henri Frenay aurait-il été ce grand résistant s’il n’avait pas été élevé dans un milieux catholique traditionaliste ? Berty Albrecht aurai-elle été cette grande résistance si elle n’avait pas été de famille protestante ? Le général de Gaulle aurait-il eu cette folie s’il n’avait pas cultivé sa foi ? ».