Journée mondiale des migrants : l’apprentissage du français impacté par la pandémie
À l’occasion de la journée mondiale des migrants, le 18 décembre, Radio Notre-Dame est allée à la rencontre de ceux qui jonglent entre petits boulots et cours de français. Le temps d’une heure, nous avons repris notre place sur les bancs de l’école ou plutôt derrière un écran d’ordinateur pour suivre le cours de français.…
À l’occasion de la journée mondiale des migrants, le 18 décembre, Radio Notre-Dame est allée à la rencontre de ceux qui jonglent entre petits boulots et cours de français. Le temps d’une heure, nous avons repris notre place sur les bancs de l’école ou plutôt derrière un écran d’ordinateur pour suivre le cours de français.

Au temps du confinement, les cours en présentiel ne sont toujours pas possibles. C’est donc via Zoom, un service de conférence à distance, que les élèves retrouvent leur professeur. Ils étaient cinq ou six élèves, originaires du Mali, du Ski-Lanka, d’Espagne ou de Russie. L’équipe d’apprentissage du français du Secours catholique, Alpha Chaillot (16e), à Paris accueille près de 50 nationalités différentes et propose des cours d’1h-1h30 deux fois par semaine.
« Bonjour Amina, ça va ? », demande Catherine Chauvin, professeur bénévole à l’arrivée de ses élèves dans le cours. Ancienne RH, elle accueille les apprenants le sourire aux lèvres avant de leur présenter le programme de la séance : donner l’heure, les verbes pronominaux et le futur proche. Le cours ressemble à un cours de langue tel qu’il est enseigné actuellement au collège. La professeure commence par lire un texte avec des phrases telles que « à 7 h nous nous levons. Vers 8 h 30 nous prenons le petit déjeuner », puis pose des questions de compréhension orale. Chacun s’essaie à la prononciation des phrases.
« Dans le futur, j’aimerais bien faire des études à l’université »
Napuli, 33 ans, est arrivée en France en août 2017, et a commencé à suivre les cours de français un an plus tard. Actuellement, la jeune femme gagne sa vie en effectuant des gardes d’enfants, et en donnant des cours d’anglais. Dans son pays d’origine, le Sri Lanka, Napuli était déjà professeur d’anglais, et aujourd’hui, elle compte bien obtenir son diplôme pour pouvoir enseigner en France : « dans le futur, j’aimerais bien faire des études à l’université ». Le chemin est long, puisqu’elle doit d’abord avoir un niveau de français suffisant pour suivre les cours, soit le niveau B2 ( compréhension de l’essentiel des sujets abordés dans un texte, aisance et spontanéité dans la communication orale, s’exprimer sur différents sujets, pouvoir développer une opinion). Pour l’instant, Napuli a obtenu son niveau A2 et prépare l’examen du B1: « les professeurs nous aident beaucoup. Même pendant les vacances d’été, ils ont corrigé mes exercices par mail. Une fois par semaine, j’ai aussi un cours de conversation par téléphone ».
De son côté, son mari Amila, actuellement en cours niveau A1, est conscient de l’importance de parler français, « Vous devez parler français si vous voulez avoir un bon travail en France, vivre ici, comprendre la culture surtout que moi j’aime beaucoup le cinéma ou les livres de George Perec ». Pour le moment Amila fait la plonge dans un restaurant parisien, mais il espère pouvoir parler suffisamment français pour être un jour responsable de magasin ou travailler dans un bureau. Pour l’instant, il débute et suit les cours de niveau A1 et rencontre quelques difficultés: « la grammaire ou les conjugaisons sont difficiles. Parfois aussi, je ne comprends pas quelque chose, et le professeur explique tout en français donc j’ai du mal, je comprends mieux l’anglais ».
L’objectif de ces cours n’est pas uniquement d’apprendre le français pour trouver un travail mais aussi de comprendre les cours que suivent les enfants à l’école, d’éviter que ceux-ci soient systématiquement des traducteurs. Aussi, grâce à ses apprentissages, les migrants ont l’occasion de se nouer d’amitié avec différentes personnes, de découvrir de nouvelles cultures.
Des conditions de travail difficiles, accentuées par le confinement
Tous les élèves ne travaillent pas dans les mêmes conditions. Amila était en visioconférence de chez lui, mais Sali suivait le cours en direct d’un centre d’hébergement, et souvent il y a avait du bruit en arrière-plan. Mais sa volonté d’apprendre est présente. Sa professeure, Catherine Chauvin, explique que le confinement et les cours à distance n’ont pas facilité l’apprentissage pour les élèves : « Sali n’avait pas d’adresse mail. J’ai appelé son assistante sociale pour qu’on lui en crée une et qu’elle puisse suivre les cours en visio, sinon avec le confinement, c’était condamné ». Elle ajoute avoir remarqué l’absence de certaines personnes depuis la reprise des cours à distance : « j‘ai perdu les gens qui avaient le plus de mal. Les plus précaires ne peuvent pas se connecter, et lorsqu’ils le peuvent, ils sont moins à l’aise avec les outils ».
D’autres, comme le Suédois Per, doivent quitter le cours un peu avant la fin pour aller travailler ; les leçons ayant souvent lieu l’après-midi, beaucoup de migrants sont obligés d’abandonner les cours pour gagner leur vie. Sur le long terme, Catherine Chauvin explique perdre une partie de ses élèves suite à des changements de centres d’hébergement.
Un apprentissage différent selon les centres
Catherine Chauvin supervise une équipe d’apprentissage dans le 16e arrondissement, mais elle confie que certaines équipes font face à de plus grandes difficultés. En effet, certains professeurs se retrouvent avec des personnes qui n’ont jamais fait d’études, qui n’ont jamais eu l’habitude d’apprendre : « Dans le Nord de Paris, rue d’Aubervilliers, ils n’ont pas le même public que nous. Ils vont aider principalement des personnes vivant dans des campements, beaucoup d’Afghans, d’Africains, du coup ils se concentrent sur l’alphabétisation et des cours de niveau A1 ».
Pour faire face aux différentes difficultés des uns et des autres, le Secours catholique organise plusieurs formations pour les professeurs bénévoles environ deux fois par an: « En 2012, j’ai commencé par suivre les cours de mes prédécesseurs, puis j’ai participé à des formations pour gérer l’hétérogénéité d’un groupe, évaluer les personnes, utiliser des jeux en complément du cours, explique Catherine Chauvin avant d’ajouter, j’ai suivi des formations supplémentaires pour l’alphabétisation« . Un engagement complet des bénévoles, salué par leurs élèves, heureux de trouver de l’aide à leur intégration !