Chine et Etats-Unis : leurs conflits peuvent certes dégénérer, mais ils masquent l’avenir très incertain des deux grandes puissances
Outre la rivalité économique et commerciale, la compétition géostratégique se durcit entre la Chine et les Etats-Unis. La guerre commerciale et technologique qui oppose gravement les deux pays n’est qu’une des facettes de leur rivalité. Celle-ci est désormais générale et s’étend au domaine géostratégique. La Chine développe son influence en mer et sa flotte de…
Outre la rivalité économique et commerciale, la compétition géostratégique se durcit entre la Chine et les Etats-Unis. La guerre commerciale et technologique qui oppose gravement les deux pays n’est qu’une des facettes de leur rivalité. Celle-ci est désormais générale et s’étend au domaine géostratégique.

La Chine développe son influence en mer et sa flotte de guerre ne cesse de se renforcer. Son objectif est clair : récupérer Taïwan, que les dirigeants de Pékin considèrent comme leur Alsace-Lorraine. Les manœuvres militaires chinoises se multiplient à l’encontre de «l’île rebelle».
À Hong Kong, la répression s’accentue et, dans l’Himalaya, la Chine accroît ses pressions militaires contre l’Inde. De leur côté, les Etats-Unis tentent de former un nouvel axe comprenant l’Inde, le Japon et l’Australie. Taïwan pourrait servir de test dans le bras de fer entre Pékin et Washington. Jusqu’où les Américains iraient-ils pour défendre Taïwan contre la Chine ? L’éventualité d’un conflit partiel entre ces deux puissances, en raison de certaines polémiques, comme celle impliquant la mer méridionale, n’est plus à écarter. Chine et États-Unis s’y préparent sérieusement. Plusieurs porte-avions américains se regroupent dans la région et les exercices militaires de deux côtés s’amplifient. La tension entre les deux rives de l’océan Pacifique peut s’avérer utile pour les Etats-Unis comme pour Xi Jinping pour détourner l’attention sur leurs problèmes sociaux internes. Cette tension pourrait aider l’un, et à la consolidation du pouvoir de l’autre. Même si Joe Biden a remporté les élections en novembre, nul doute que la ligne politique chinoise des États-Unis demeurera fondamentalement la même. Ces derniers mois ont été marqués par un tournant significatif dans la relation sino-américaine et les tensions perdureront dans les années à venir. Il reste à savoir si les autres pays du monde, en particulier européens, sont prêts à affronter une crise internationale qui serait largement due à cette rivalité géopolitique.
Nous prenons difficilement conscience que si la Chine compte près d’un milliard et demi d’habitants, avec le deuxième PIB mondial, son PIB individuel est cinq fois inférieur à celui des Américains : que devient la sociologie chinoise si ce PIB individuel double ou triple ? Une réponse : la puissance stratégique de Washington décline, car elle n’est plus le gendarme du monde et l’anarchie géopolitique gagne chaque jour du terrain. Problème majeur pour Pékin : le vieillissement de la population qui verra, selon les prévisions officielles de l’ONU, les personnes âgées de plus de 65 ans représenter près de 24% du 1,4 milliard d’habitants d’ici à 2050. Outre le vieillissement en tant que tel, c’est la vitesse très rapide de ce phénomène qui pose problème, prévoit Isabelle Attané, démographe et sinologue, car le pourcentage de la population âgée en Chine va doubler en seulement vingt-cinq ans, passant de 15% en 2015 à 30% en 2040 pour les plus de 60 ans. La Chine compterait alors 330 millions de personnes âgées. Comment Pékin pourra-t-elle faire face économiquement et socialement à une telle évolution ? L’affaiblissement géopolitique peut se révéler dramatique.
Aux Etats-Unis le risque est différent : le dollar est la monnaie de référence mondiale, mais l’endettement du pays est passé de 40% du PIB en l’an 2000 à 121%. Des dollars par milliards ont été versés par le Trésor américain pour compenser les dégâts du covid 19.
Les difficultés présentes et à venir des deux grandes puissances montrent une partie les défis que devra relever notre siècle. Sommes-nous préparés à faire face à un risque de cahot géopolitique ? C’est un impératif et nous en sommes capables : notre histoire l’a montré.